Jean Tardieu, Conversation / Pierre Menanteau, Ah que la Terre est belle) La différence en poésie (Esope, La tortue et le liÚvre / Jean-Pierre Siméon, La Différence / Robert Gélis, Portrait de l'autre) Paris en poésie (Jacques Prévert, La Seine a rencontré Paris / Jacques Charpentreau, C'est place de la Concorde à Paris / Jacques Prévert, [Lire la suite] Posté par
Voici la nouvelle poĂ©sie. Depuis la mi-janvier, nous apprenons âla diffĂ©renceâ de Jean-Pierre SimĂ©on. La voici TĂ©lĂ©charger PDF, 406KB Nous la connaissons assez bien ⊠Nous lâavons appris avec des gestes pour mieux la mĂ©moriserLaurenceVielle lit le poĂšsie "Stabat Mater Furiosa" de Jean-Pierre SimĂ©on. " Seules des mains vraies Ă©crivent de vrais poĂšmes. Je ne vois pas de diffĂ©rence de principe entre une poignĂ©e de main et un poĂšme ". Paul Celan,... Lire la suite 13,00 ⏠Neuf ExpĂ©diĂ© sous 3 Ă 6 jours LivrĂ© chez vous entre le 1 septembre et le 6 septembre " Seules des mains vraies Ă©crivent de vrais poĂšmes. Je ne vois pas de diffĂ©rence de principe entre une poignĂ©e de main et un poĂšme ". Paul Celan, lettre Ă Hans Bender. Cette formule de Paul Celan, que Jean-Pierre SimĂ©on aime citer, caractĂ©rise aussi bien sa posture d'Ă©crivain que son rapport au monde. PoĂšte de la fraternitĂ© et de la main tendue, il l'est assurĂ©ment. Ses recueils, autant que ses romans ou ses textes dramatiques, rĂ©vĂšlent un auteur qui fait de la littĂ©rature le lieu de toutes les rencontres, de tous les partages, de toutes les expĂ©riences de vie. Une fraternitĂ© qui est Ă©galement au coeur de sa dĂ©marche d'homme, celle d'un optimiste tragique qui fait du rapport humain un rempart contre l'angoisse de vivre - et de mourir. Date de parution 01/10/2008 Editeur ISBN 978-2-84562-138-1 EAN 9782845621381 PrĂ©sentation BrochĂ© Nb. de pages 144 pages Poids Kg Dimensions 14,0 cm Ă 20,0 cm Ă 1,0 cm
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DĂ©couvrezsur poĂ©sie sauvera le monde par Jean-Pierre SimĂ©on - Collection Hautes rives - Librairie Decitre Apparemment, javascript est dĂ©sactivĂ© sur votre navigateur. Javascript doit ĂȘtre activĂ© dans votre navigateur pour utiliser toutes les fonctionnalitĂ©s de ce site.
La diffĂ©rence Jean-Pierre SimĂ©on La diffĂ©rence / Jean-Pierre SimĂ©on Pour chacun une bouche deux yeux deux mains et deux jambes Rien ne ressemble plus Ă un homme quâun autre homme Alors entre la bouche qui blesse et la bouche qui console entre les yeux qui condamnent et les yeux qui Ă©clairent entre les mains qui donnent et les mains qui dĂ©pouillent entre les pas sans trace et les pas qui nous guident oĂč est la diffĂ©rence la mystĂ©rieuse diffĂ©rence ? Extrait de La nuit respire Cheyne Ă©diteur. Anthologie, XXe siĂšcle de ALB Alorsentre la bouche qui blesse et la bouche qui console entre les yeux qui condamnent et les yeux qui Ă©clairent entre les mains qui donnent et les mains qui dĂ©pouillent entre le pas sans trace et les pas qui nous guident oĂč est la diffĂ©rence la mystĂ©rieuse diffĂ©rence ? Ă la Maison de la Presse, lâĂ©crivain, dramaturge, romancier et poĂšte Jean-Pierre SimĂ©on a parlĂ© avec force de sa passion qui lâamĂšne Ă donner de nombreuses formations et confĂ©rences. © Droits rĂ©servĂ©s La poĂ©sie de Jean-Pierre SimĂ©on est un Ă©ternel printemps. rencontre La Grande Librairie a accueilli le poĂšte Jean-Pierre SimĂ©on. Romancier, dramaturge, Ă©crivain, directeur artistique du Printemps des poĂštes, il a prĂ©sentĂ© ses livres Les yeux ouverts, La poĂ©sie sauvera le monde, Lettre Ă la femme aimĂ©e au sujet de la mort. PassionnĂ©, il exprime son engouement envers cette poĂ©sie qui le touche tant. DĂšs la premiĂšre question posĂ©e par Claire Demange, prĂ©sidente d'un cercle de poĂštes Ă Clermont-Ferrand, l'Ă©crivain Ă©voque avec force la poĂ©sie et la mort. Il avoue que la poĂ©sie sauvera le monde si rien ne le sauve ». Il regrette le gĂąchis individuel et collectif. La poĂ©sie incarne un idĂ©al d'existence. J'ai une constante de l'optimisme car on peut tous gagner un peu d'humanitĂ© mĂȘme quand on est au bord de la mort Auschwitz ; on survit Ă l'inhumanitĂ© ». La poĂ©sie est un perpĂ©tuel printemps⊠surla PoĂ©sie Jean-Pierre SimĂ©on Bagnoles de lâOrne Janvier 2001 . 2 SOMMAIRE PrĂ©sentation page 3 PoĂ©sie et chanson page 17 PoĂ©sie et comprĂ©hension page 19 PoĂ©sie avant pĂ©dagogie page 24 PoĂ©sie et pĂ©dagogie page 27 . 3 CONFERENCE SUR LA POESIE Jean-Pierre SIMEON â directeur artistique du « Printemps des poĂštes » PrĂ©sentation Ce matin, on ne va "Je ferai, oui, l'Ă©loge de la poĂ©sie. Sans restrictions. Sans Ă©tats d'Ăąme. Parce que la poĂ©sie n'est justement pas le lieu de la demi-mesure. Je le ferai d'une voix pleine, vive s'il le faut. Parce qu'on ne peut admettre plus longtemps, n'est-ce pas, que les poĂštes, malgrĂ© les rĂ©vĂ©rences qu'on leur fait de loin en loin pour se disculper de la dĂ©sinvolture et de l'indiffĂ©rence avec lesquelles on les traite ordinairement, soient renvoyĂ©s Ă leur Ă©trange petit commerce particulier qui n'aurait rien Ă voir avec les affaires du monde. Je veux faire l'Ă©loge de la poĂ©sie pour tous, non pas, voyez-vous, comme un agrĂ©ment, un ornement de l'existence ou le partage de je ne sais quelle distinction supĂ©rieure comme une nĂ©cessitĂ© vitale." Depuisles temps immĂ©moriaux, dans toutes les civilisations, dans toutes les cultures, orales ou Ă©crites, il y eut des poĂštes au sein de la citĂ©. Ils ont toujours fait entendre le diapason de la conscience humaine rendue Ă sa libertĂ© insolvable, Ă son audace, Ă son exigence la plus haute. Quand on n'entend plus ce diapason, c'est bien la cacophonie qui rĂšgne, intellectuelle L'autre, femme ou homme, de la mĂȘme espĂšce que moi, et pourtant diffĂ©rent, comment le regarder? Comment me comporter face Ă lui? Si je vois en lui un ennemi qui me menace, qui me fait peur, je ne songe qu'Ă me dĂ©fendre contre lui, et pour mieux me dĂ©fendre, Ă l'attaquer. C'est cela le racisme. Si je vois en lui un obstacle qui gĂȘne ma progression, je ne cherche qu'Ă le dĂ©passer, Ă l'Ă©liminer. C'est cela la compĂ©tition qui transforme la vie de chacun en une suite de batailles parfois gagnĂ©es, en guerre toujours perdue. Pour ĂȘtre rĂ©aliste, je dois voir en l'autre une source qui contribuera Ă ma propre construction. Car je suis les liens que je tisse; me priver d'Ă©changes c'est m'appauvrir. Le comprendre c'est participer Ă l'Humanitude. La poĂšsie est le plus mystĂ©rieux et parfois le plus efficace moyen d'Ă©change. Les poĂšmes sont des sources convergentes apportant au lecteur la douceur de l'eau et la violence du JacquardL'homme qui te ressembleJ'ai frappĂ© Ă ta portepour avoir un bon litj'ai frappĂ© Ă ton coeurpour avoir un bon litpour avoir un bon feupourquoi me repousser?Ouvre-moi mon frĂšre...!Pourquoi me demander si je suis d'Afriquesi je suis d'AmĂ©riquesi je suis d'Europe?Ouvre-moi mon frĂšre...!Pourquoi me demander la longueur de mon nezl'Ă©paisseur de ma bouchela couleur de ma peauet le nom de mes dieux?Ouvre-moi mon frĂšre...!Ouvre-moi ta porteOuvre moi ton coeurCar je suis un hommeL'homme de tous les tempsL'homme de tous les cieuxL'homme qui te ressemble...!RenĂ© PhilombĂ© YaoundĂ©,1977La diffĂ©rencePour chacun, une bouche deux yeuxdeux mains deux jambesRien ne ressemble plus Ă un hommequ'un autre hommeAlors entre la bouche qui blesseet la bouche qui consoleentre les yeux qui condamnentet les yeux qui Ă©clairententre les mains qui donnentet les mains qui dĂ©pouillententre le pas sans traceet les pas qui guidentoĂč est la diffĂ©rencela mystĂ©rieuse diffĂ©rence ?Jean Pierre SimĂ©on Voiciun poĂšme sur le thĂšme de la diffĂ©rence : Portrait de lĂą autre. De mĂȘme, vous n'avez pas le droit de scanner une photo. PoĂ©sie c'est la rentrĂ©e - Ce1 - Apprendre ses poĂ©sies autrement C'est la rentrĂ©e Vite, vite, il faut se presser Le rĂ©veil a dĂ©jĂ sonnĂ©! 4 dĂ©c. 1. ComposĂ©e en Didot corps 12, cette Ă©dition de [ici le titre] a Ă©tĂ© tirĂ©e Ă deux mille exemplaires pour lâautomne [ici le millĂ©sime] sur les presses de Cheyne Ă©diteur, au Chambon-sur-Lignon, Haute-Loire.» Lâinscription figure sur la derniĂšre page des livres de la prestigieuse collection verte deux nouveautĂ©s publiĂ©es par an. Les ouvrages sont consultables et caressables dans la librairie lâArbre vagabond, QG du festival Lectures sous lâarbre organisĂ© par Cheyne. Papier vergĂ©, jaquettes Ă©lĂ©gantes et finement grenues, et le poinçon du plomb sur les pages cousues. Ce mĂȘme plomb qui, pieusement mĂȘlĂ© Ă de lâantimoine, servit Ă Gutenberg Ă imprimer la premiĂšre Ă©dition latine de la Bible 1453. Un bel Ă©crin, les livres de Cheyne, mais pour quel trĂ©sor? Pour quelle parole sacrĂ©e?La suite aprĂšs la publicitĂ© Les Ă©crivains sur scĂšne un truc de beau gosse ? 2. Dans son Panorama de la poĂ©sie française aujourdâhui», Ă©voquĂ© dans une prĂ©cĂ©dente tribune, Jean-Michel Espitallier sâen prend Ă ceux pour qui la poĂ©sie serait d'abord affaire de profondeurs, parole oraculaire ⊠forant dans l'Ă©paisseur encrĂ©e de lâineffable.» 3. DâoĂč parle Jean-Michel Espitallier? Dâune esthĂ©tique joueuse et expĂ©rimentale, ennemie du lyrisme forcĂ©ment boursouflĂ©, adepte de la parodie et du dĂ©tournement â certaine avec ValĂ©ry que le plus profond, câest la peau». Et dâune nĂ©buleuse de pouvoir Ă©ditorial qui rassemble les Ă©diteurs Al Dante et et le cipM Centre international de poĂ©sie de Marseille. A travers notamment la publication de lâanthologie PiĂšces dĂ©tachĂ©es» du mĂȘme Espitallier, en 2011 chez Pocket, et de celle dâYves di Manno et Isabelle Garron dite anthologie Flammarion» en 2017 choix beaucoup plus vastes, mais affinitĂ©s Ă©lectives avec la premiĂšre, cette nĂ©buleuse a encore renforcĂ© sa visibilitĂ©, bien supĂ©rieure Ă son poids rĂ©el. Dix pour cent de la poĂ©sie en France», tranche Jean-Pierre SimĂ©on, lyrique pas bĂ©gueule, fondateur du Printemps des poĂštes et membre du comitĂ© Ă©ditorial de Cheyne. "La poĂ©sie sauvera le monde" et puis quoi encore?La suite aprĂšs la publicitĂ© 4. Espitallier la poĂ©sie ennemie ne peut se concevoir qu'en Ă©troite association avec de beaux livres artisanaux. ⊠Du coup, [elle] a fini par ĂȘtre parfois associĂ©e Ă un artisanat sympathique, comme la boulangerie d'art et les tourneurs sur bois. Belle ouvrage et artisan-poĂšte, vaguement libertaire avec collĂ© aux basques un peu de cette terre "qui ne ment pas".» Fichtre. 5. Cheyne nâest pas un Ă©diteur de la ruralitĂ©, sâagace Jean-François Manier, son fondateur. Ce qui nous caractĂ©rise, câest notre indĂ©pendance. Nous lisons, nous fabriquons, nous diffusons, nous distribuons. Nous avons une complĂšte indĂ©pendance Ă©conomique, Ă la diffĂ©rence de LâOlivier Le Seuil et de [capital dĂ©tenu Ă 88% par Gallimard, NDLR].» 6. Oui, mais tout de mĂȘme. FlorilĂšge de titres du catalogue du Cheyne Venant le jour», MalgrĂ© la neige», lâEpine et sa mĂ©sange», Une femme de ferme», le Bois de hĂȘtres», MĂ©tairie des broussailles», le Livre des poules». FlorilĂšge Al Dante la PoĂ©sie motlĂ©culaire», Gang blues ecchymoses», Meurtre artistique munitions action explosion», FrĂšres numains discours aux classes intermĂ©diaires», Lecture de 5 faits dâactualitĂ© par un septuagĂ©naire bien sonné». Ce nâest pas tout Ă fait le mĂȘme son de cloche ou de balle dum-dum. 7. Je ne sais pas trop ce que je fais ici, sâamuse la romanciĂšre Marie-HĂ©lĂšne Lafon, invitĂ©e du festival. Mais oui, sans doute, il existe une littĂ©rature des pays et des paysages dans laquelle je mâinscris, comme Pierre Michon, Pierre Bergounioux ou Mario Rigoni.»La suite aprĂšs la publicitĂ© Haute PoĂ©sie Bisounours et autres curiositĂ©s 8. De Cheyne on connaĂźt lâhistoire, ressassĂ©e dâarticle en article la dĂ©couverte en 1977, par Jean-François Manier et sa compagne dâalors, dâune ancienne Ă©cole isolĂ©e sortant de la brume cf. JosĂ© Arcadio BuendĂa fondant Macondo, au sortir dâun rĂȘve, au dĂ©but de Cent ans de solitude», lâapprentissage de la typographie au plomb, le lancement en 1980, sans un sou, de la maison dâĂ©dition, le pari en 1992 dâun festival sur la base dâun concept porteur mettons un poĂšte sous un arbre⊠Lâhistoire tend Ă devenir story-telling et dĂ©tourner de lâessentiel les livres publiĂ©s. 9. Le haut pays» de Jacques Vandenschrink est celui des vents intransigeants» et du merle goulu», des martinets cisaillant le crĂ©puscule» et des mĂ©sanges saoulĂ©es de se dĂ©crocher en plein vol dans chaque merisier». Chez Julie Delaloye, on vit Ă la lisiĂšre des brumes», on entend le chant portĂ© par la vigne», on sent la fraĂźcheur fidĂšle de lâherbe», on voit la paupiĂšre rompue du chamois». Chez Jean-Yves Masson, souvenir des vols dâabeilles», odeur des blĂ©s parfaits», cerf au regard vĂ©hĂ©ment». Ce nâest quâun Ă©chantillon, mais sâil nây a pas lĂ une lignĂ©e d'hĂ©ritiers de Char et de Jaccottet paysage mĂ©diterranĂ©en â plus ou moins pentu â et mĂ©taphores en rafaleâŠLa suite aprĂšs la publicitĂ© Philippe Jaccottet, le trĂšs haut 10. Crypto-pĂ©tainiste, la poĂ©sie des champs, comme lâinsinue taquinement Jean-Michel Espitallier? A la salle des Arts de Saint-AgrĂšve, pas trĂšs loin du Chambon-sur-Lignon, village collectivement Ă©levĂ© au rang de Juste par le mĂ©morial de Yad-Vashem, Denis Lavant a lu rauque, athlĂ©tique deux trĂšs courts textes de rĂ©sistance publiĂ©s par Cheyne. Matin brun » de Franck Pavloff 1998 est une fable grinçante et drĂŽle sur l'ascension de l'extrĂȘme-droite en France deux millions d'exemplaires vendus, grĂące Ă une sorte d'effet Hessel â Indignez-vous» â avant la lettre. Traverser lâautoroute», de Maxime Fleury 2017, câest un enfant devant une glissiĂšre dâautoroute, un flot de voitures, et de lâautre cĂŽtĂ©, peut-ĂȘtre, son pĂšre, avec qui il essaye de communiquer en langue des signes. Câest le gamin qui raconte, il parle un peu comme le Momo de Romain Gary dans la Vie devant soi» â le genre tĂŽt grandi. Au milieu des bidons, des palettes et des parpaings, dans son campement sans eau potable, il se sent comme ces gouttes de pluie sans destin Câest comme nous, on vient de loin et on sâĂ©crase au bord de lâautoroute.» Sur scĂšne, Edwy Plenel lâEdwy Plenel Mediapart est partenaire du festival ponctue, prolonge. Parle des rĂ©fugiĂ©s Quand quelquâun coule, on le sauve.», cite PĂ©guy Il y a quelque chose de pire que d'avoir une Ăąme mĂȘme perverse. C'est d'avoir une Ăąme habituĂ©e.». Se moque de lui-mĂȘme Encore un prĂȘche du pĂšre Plenel!»La suite aprĂšs la publicitĂ© "Si PĂ©guy me proposait un article pour MediapartâŠ" entretien avec Edwy Plenel 11. La soirĂ©e Neruda plombe un peu. Passons sur les juvĂ©niles poĂšmes dâamour, dont la traduction rĂ©clamerait une langue semblable cristalline et facile Ă celle de cet autre poĂšte Ă©lu des draps», Paul Ăluard. Reste le Neruda politique, dessillĂ© par la guerre dâEspagne, guĂ©ri de ses dĂ©rives gidiennes et rilkiennes», torrentiel et gĂ©nial sans doute, mais stalinien sinon de cĆur, du moins de style. Tu mâas fait lâadversaire du mĂ©chant, tu mâas fait mur contre le frĂ©nĂ©tique âŠ/Tu mâas rendu indestructible car grĂące Ă toi je ne finis plus avec moi.» A mon parti» 12. La figure du poĂšte-phare fait rire aujourdâhui petits et grands. Mais sans doute faut-il prendre en compte les contextes historiques et locaux. Jâai grandi dans une culture oĂč les politiques sont des poĂštes, oĂč lâart oratoire est un art poĂ©tique, se souvient Edwy Plenel, qui a vĂ©cu Ă la Martinique jusquâĂ lâĂąge de 10 ans. La poĂ©sie de CĂ©saire, qui semble hermĂ©tique, complexe, est trĂšs concrĂšte. Le matin il recevait Ă la mairie, Ă midi il partait avec son chauffeur et faisait le tour de lâĂźle. Sa poĂ©sie est en partie nourrie de ces promenades.» 13. Nos Ă©lites hexagonales issues de lâX ou de ENA, poursuit Plenel, regardent ça avec dĂ©dain, comme si ce nâĂ©tait quâun supplĂ©ment dâĂąme, une distraction. Leur monde est dĂ©pourvu dâimaginaire.» Il est temps de changer de sĂ©rieux», dit dâune autre façon Jean-Pierre-SimĂ©on dans son essai la PoĂ©sie changera le monde», qui invite Ă dresser dans lâespace public la barricade du poĂšme». Hmmmm. Dans son blog, lâĂ©crivain Pierre Jourde se moque de cette doxa indĂ©finiment rĂ©pĂ©tĂ©e depuis deux siĂšcles, avec ses synonymes interchangeables, rĂ©bellion, insurrection, insoumission, qui trouve son apogĂ©e grotesque dans "lâĂloge des voleurs de feu" de Dominique de Villepin, le fameux marginal».La suite aprĂšs la publicitĂ© L'insurrection institutionnelle, par Pierre Jourde 14. Dans son essai cependant, SimĂ©on parle dâautre chose. Dâune langue appauvrie par ses usages mĂ©diatiques et technocratiques, et dâun imaginaire devenu territoire occupĂ© et soumis». Jâen ai Ă©tĂ© tĂ©moin tant de fois la plupart de ceux qui ⊠entendent un poĂšme Ă eux offerts Ă lâimproviste, remercient. Jâai eu le sentiment parfois quâils y retrouvaient une dignitĂ© et comme une fiertĂ© pour eux-mĂȘmes.» Denis Lavant Jâai fait cinq lectures en Russie, entre Ekaterinburg et Rostov, devant un public qui considĂ©rait que la poĂ©sie avait une grande importance. En Colombie aussi, la poĂ©sie est dans la vie.» 15. Revenons au catalogue du Cheyne, quâil serait injuste de rĂ©duire Ă quelques Ă©pigones dâune poĂ©sie altiĂšre qui fait sa mystĂ©rieuse. Je mâaccroche Ă la nuit, quâest-ce que ça veut dire?» Ito Naga est perplexe. La mĂ©taphore, ça nâest pas son truc. Lui est astrophysicien, il a dâautres motifs dâĂ©tonnement. On ne pense pas [que la lune] peut trembler au moment oĂč on la regarde. Il y a des tremblements de lune comme il y a des tremblements de terre.» Mais lâastrophysique, dit-il, ça nâest pas ça qui permet dâĂȘtre au monde. Il a placĂ© en en-tĂȘte de son livre NGC 224» une citation de Rilke Ătre ici est une splendeur.» Par exemple Ă cet instant prĂ©cis "Ah ! Tu es comme ça, toi ?", sâest Ă©tonnĂ©e cette enfant quand je suis ressorti de lâeau aprĂšs un plongeon dans la piscine.» Ses petits vertiges», Ito Naga haut gentleman Ă lâĆil bleu perchĂ© les doit aussi Ă sa longue frĂ©quentation du Japon. Pour faire des raviolis, on dit en japonais quâil faut pĂ©trir la pĂąte jusquâĂ ce quâelle ait la consistance des lobes dâoreille mimi tabu. La poĂ©sie serait-elle simplement le goĂ»t des choses?» Glissements, rebondissement, dĂ©rivations avec un art consommĂ© du montage, lâauteur coud ses fragments â bouts philosophiques, boutures de sensations, pĂ©pites philologiques, demi-blagues⊠Ses quatre livres sont Ă©galement suite aprĂšs la publicitĂ© Le long cri d'AimĂ© CĂ©saire n'a pas fini de rĂ©sonner 16. La mĂ©taphore, Jean-Claude Dubois ne lâaime guĂšre non plus. Il revient de loin, du lyrisme Ă©bouriffĂ© du surrĂ©alisme. Et puis il a rencontrĂ© Guillevic des textes trĂšs courts, des distiques souvent, de 8 Ă 10 syllabes, sans images, sans clinquant, sans scintillement.» Rencontre avec une forme, mais aussi avec un alter ego solitaire, qui, enfant, communiquait avec un bol, une bouteille, une table, nâavait pas mĂȘme un animal, a perçu la vie dans les pierres.» Son livre Le Canal» raconte une transaction secrĂšte» la plus belle dĂ©finition de la poĂ©sie, elle est de Jaccottet» entre un enfant et un canal. Jâavais dix ou douze ans. Mon compagnon de jeu Ă©tait un canal Ă grand gabarit. ⊠JâĂ©coutais le canal rendre la justice./ Quand il avait fini,/je rentrais chez moi./Il retournait dans son verre dâeau.» Dans le canal il y a des aĂŻeux, une femme dâoctobre mais on ne sait plus de quel jour ⊠qui pose son village sur la table de nuit et sâendort.» Et puis ce canal fait de vinaigre/et dâennuis», couleur de noyade» Cioran en exergue, il faut le quitter, sâen dĂ©pĂȘtrer comme Ă regret, peut-ĂȘtre pour grandir. Le Canal» est tissĂ© dâun charme douceĂątre et brumeux, dâĂ©piphanies discrĂštes, de dĂ©solations retenues. On songe parfois Ă un Christian Bobin sans Dieu. Câest dire si la voix de Jean-Claude Dubois est suite aprĂšs la publicitĂ© Les bons sentiments de Christian Bobin font-ils de la bonne littĂ©rature? 17. Robert et JosĂ©phine », de Christiane Veschambre, est un autre livre fondĂ© sur le montage, qui Ă©voque par sĂ©quences lâhistoire des parents de lâauteure JosĂ©phine arrive Ă la Jeune France», trouve une famille», va chercher son mari Ă la sortie de lâusine», repasse», nâa plus dâargent»⊠CinĂ©ma trouĂ© de lâexpĂ©rience intĂ©rieure», de lâĂ©motion mĂ©ditĂ©e» Bataille. Mais la langue est Ă lâopposĂ© de lâĂ©criture behavioriste du commun des scĂ©narios. Il sâagit, pour lâĂ©crivain, de faire taire en soi la belle langue» ⊠pour quâaprĂšs le silence puisse surgir la langue des soubassements» selon GĂ©rard Noiret sur lâexcellent site En attendant Nadeau. Une basse langue», des mots pauvres» titres de deux autres recueils de Veschambre Quand JosĂ©phine/est apparue//sur terre/personne//ne sâen est aperçu.» Chercher une basse langue pour camper les gens de peu» le sociologue Pierre Sansot, câest en somme le contraire du projet dâun Pierre Michon. Christiane Veschambre se place du cĂŽtĂ© des microgrammes» de Robert Walser, dâErri de Luca, dâEmily Dickinson. Les mains de JosĂ©phine/au-dessus du drap repliĂ©/qui protĂšge la table/et borde la page/que lâenfant tourne». Un critique ne devrait pas dire ça tout le livre est trĂšs suite aprĂšs la publicitĂ© Que s'est-il passĂ© dans la poĂ©sie française depuis un demi-siĂšcle ? 18. Pas de tendance fracassante, de trending poetic; pas de post-liturgistes, pas de supra-spleenĂ©tiques; la poĂ©sie est devenue bien ennuyeuse. Ah si, tout de mĂȘme le recueil» est Ă la baisse, le livre» Ă la hausse. Ce nâest sans doute pas juste une coquetterie de dĂ©nomination. Jean-Claude Dubois par exemple, au cours dâune causerie sur Guillevic, insistait sur la nĂ©cessitĂ© de travailler un thĂšme jusquâau cĆur». Ito Naga et Christiane Veschambre ne diraient pas autre chose. Ce qui se joue? Lâeffacement relatif du livre de poĂ©sie pensĂ© comme un florilĂšge de flĂšches, dâĂ©piphanies â loin des moments nuls» de la vie que Breton jugeait indigne de cristalliser». JB Corteggianiauteur et rĂ©alisateur JeanPierre SimĂ©on « Direz, chantant mes oui, je ne fais pas vraiment de diffĂ©rence. La poĂ©sie c'est le rythme, les sons et la puissance que contient un mot, ou la couleur, le pouvoir et le poids contenus dans un mot, puis une phrase entiĂšre et donc un vers, effectivement. Brigitte Fontaine, in Zigzag poĂ©sie, Autrement, 2001. Distinguez-vous la poĂ©sie Jean-Pierre SimĂ©on, agrĂ©gĂ© de Lettres modernes, a Ă©tĂ© formateur dâenseignants. Auteur de nombreux recueils de poĂšmes, de romans, de livres pour la jeunesse et de piĂšces de théùtre, il est actuellement directeur artistique du Printemps des poĂštes. Ci-dessous, synthĂšse de son intervention lors de la Rencontre de lâAtelier de Montluçon en dĂ©cembre a une idĂ©e trĂšs fausse et largement partagĂ©e de ce quâest la poĂ©sie. Cette idĂ©e est fondĂ©e sur lâexpĂ©rience quâon en a et qui, en gĂ©nĂ©ral, repose sur la rencontre de trĂšs peu de poĂšmes en comparaison de lâimmensitĂ© du patrimoine poĂ©tique universel, des milliards de textes. Il y a des poĂšmes depuis toujours, dans toutes les civilisations, il nây a pas une communautĂ© humaine qui nâait sa poĂ©sie - LâidĂ©e quâon sâen fait est donc forcĂ©ment trĂšs restrictive et superficielle. Elle relĂšve en plus dâa priori, de y a deux opinions courantes. La premiĂšre, câest que la poĂ©sie est cette chose charmante, chantonnante, dâune belle musicalitĂ©, quâon admire de loin, parfois un peu miĂšvre en regard du monde concret dans lequel on est immergĂ©. Et lâautre reprĂ©sentation, complĂštement Ă lâopposĂ©, câest celle dâ un objet bizarre auquel nâauraient accĂšs que quelques initiĂ©s ayant le don de comprendre ces choses qui sortent de lâordinaire, de la comprĂ©hension humaine. Il faudrait avoir une sorte de talent divinatoire pour lire comme il le faut Maurice SĂšve, MaĂŻakovski, Aragon ou Yves Bonnefoy, par reprĂ©sentations font quâon ne va pas Ă la poĂ©sie, quâelle est hors du social depuis quelques dĂ©cennies en France - ce nâest pas le cas dans toutes les maniĂšre dâhabiter le mondeJe ne vais pas mâĂ©tendre davantage sur ces dĂ©finitions historiques, socio-culturelles, mais bĂątir sur cette formule de Georges Perros, un trĂšs bon poĂšte de la fin du XXe siĂšcle Le plus beau poĂšme du monde ne sera jamais quâun pĂąle reflet de ce quâest la poĂ©sie une maniĂšre dâĂȘtre, dâhabiter, de sâhabiter ». Câest capital. Ce que manifestent Rimbaud, de Ritsos, de WhitmanâŠ, câest ce qui apparait dans la prise de parole que lâon appelle poĂšme une position claire, ferme, et complexe en mĂȘme temps devant le monde, devant le rĂ©el et au coeur du rĂ©el. Câest un type de rapport Ă lâexistence, Ă la communautĂ© humaine, au destin la poĂ©sie non comme un supplĂ©ment dâĂąme, mais comme une maniĂšre dâĂȘtre, dâhabiter le monde, comme un positionnement du point de vue humain, câest la dĂ©finir dâemblĂ©e comme une Ă©thique. Câest lĂ lâenjeu essentiel dĂ©finir une maniĂšre dâhabiter le monde, câest un projet politique. Hölderlin, le grand poĂšte allemand, lâavait dit dĂ©jĂ dans une phrase qui porte sur lâorientation que nous donnons Ă la vie Nous cheminons vers le sens si nous habitons en poĂšte sur la terre. » Or, aujourdâhui, nous faisons lâexact contraire et câest pour cela que nous allons dans le mur, que nous allons vers une sorte de grand suicide lâavoir et le paraĂźtre Alors que signifie vivre en poĂšte ? Câest lâexact contraire des normes de comportement quâon nous impose actuellement. LĂ oĂč la poĂ©sie est subversive, câest quâelle propose dans la relation Ă soi, dans la relation au monde, au rĂ©el le contraire de ce qui se passe aujourdâhui la marchandisation du monde occidental qui se dĂ©veloppe partout avec la mondialisation, le dĂ©ni de lâhumain, en raison du primat sur lâhumain de superstructures Ă©conomiques, de lâidĂ©ologie tout Ă fait organisĂ©e et pensĂ©e. Ce qui fait que petit Ă petit, sans que nous nous en rendions compte, nous sommes vidĂ©s de notre poĂ©tique, câest lâexact contraire puisque depuis toujours les poĂštes ne cherchent quâĂ fonder dans leur parole un surcroĂźt dâhumanitĂ©. Nous connaissons la fameuse phrase de JaurĂšs On ne naĂźt pas humain, on le devient ». Vivre en poĂšte sur la terre, câest simplement se donner pour tĂąche premiĂšre, presquâexclusive â câest lĂ lâengagement absolu du poĂšte - de devenir plus humain et de comprendre les conditions de cet enjeu comment on devient plus qui domine aujourdâhui, câest lâobsession de lâavoir, la prĂ©dominance de la finance, la volontĂ© de pouvoir qui engendre la compĂ©tition et la compĂ©titivitĂ©, les hĂ©ros, ĂȘtre plus que les autres, câest-Ă -dire la nĂ©gation de lâautre. Toutes les images, les figures, les idoles quâon prĂ©sente Ă nos yeux et nos oreilles comme enviables, Ă travers les discours sur la sociĂ©tĂ©, nous enjoignent dâĂȘtre des ĂȘtres de pouvoir, dâĂȘtre toujours un peu plus que lâautre, un peu plus fort, un peu plus savant, plus expert que lâ profondeur irrĂ©ductible de chaque ĂȘtreCâest ce que rĂ©cuse fondamentalement tout poĂšme, puisque toute poĂ©sie dit dâemblĂ©e la relativitĂ© de tout savoir, tout poĂšme est lâaveu dâun savoir limitĂ©, rien nâest dĂ©finitivement clos dans un savoir. Dans nos sociĂ©tĂ©s, il y a lâavoir, le pouvoir et le paraĂźtre. La valeur de lâĂȘtre est dĂ©finie par le paraĂźtre, par ce que lâon sait de lâimage. Et lâon juge tout un chacun, toute chose, tout Ă©vĂ©nement sur lâimage, sur lâapparence premiĂšre. Or, depuis le premier temps du premier poĂšme, lâeffort du poĂšte, câest de dĂ©passer la vue premiĂšre. Donc, dans une sociĂ©tĂ© gouvernĂ©e par la vue de surface, par lâapparence, oĂč nous lisons le monde au faciĂšs, oĂč nous lisons lâautre au faciĂšs, câest-Ă -dire dans une saisie partielle, rĂ©ductrice, scandaleusement mensongĂšre du rĂ©el, dans ce monde la poĂ©sie incarne le contraire. Car tout poĂšme cherche ce que le rĂ©el ne sert pas dâabord, nâoffre pas de lui-mĂȘme. Tout poĂšme cherche Ă creuser, Ă faire apparaĂźtre la profondeur irrĂ©ductible, insolvable, illimitĂ©e de chaque ĂȘtre, de chaque chose, de chaque geste, chaque Ă©vĂšnement, chaque pensĂ©e, de chaque sentiment, de chaque phĂ©nomĂšne, comme disent les philosophes. La poĂ©sie donne expansion Ă la chose minime, banale, triviale, la poĂ©sie revendique le droit dây voir, dây rencontrer, dây explorer une infinie rĂ©alitĂ©, au-delĂ de lâapparence immĂ©diate, au-delĂ de la dĂ©finition, de la la peur de lâautre. Ătreindre le mondeLe grand mal de notre temps, câest lâobsession de la sĂ©curitĂ©, de lâassurance, on est dans une grande peur, la peur dâĂȘtre dĂ©bordĂ© dans ses frontiĂšres. Et tout est fait pour nous infliger cette peur, pour nous la transfuser. Nous avons une peur ontologique, native, premiĂšre, celle de la solitude, de la perte, de lâabandon, de la catastrophe. Le bĂ©bĂ© en fait lâexpĂ©rience, au premier jour quand il est laissĂ© seul, hors des bras du pĂšre ou de la mĂšre, dans un lit, dans une piĂšce. Nous naissons avec lâappĂ©tit, comme lâenfant, de tout voir, les yeux grands ouverts, la volontĂ© terriblement passionnĂ©e dâĂ©treindre le monde, et en mĂȘme temps avec cette peur premiĂšre de la perte, de la solitude. Et il est trĂšs commode de lâexploiter, de fonder sur elle des rapports collectifs celui qui a peur est facilement asservi, par la peur elle-mĂȘme, mais asservi aussi aux discours qui prĂ©tendaient le protĂ©ger du monde. Ce sont tous les discours sĂ©curitaires. Et nous avons tous en nous une demande sĂ©curitaire, la volontĂ© dâĂȘtre protĂ©gĂ©s du compliquĂ©, du trouble, de lâinconnu. Nous avons trĂšs profondĂ©ment cette peur en nous, en mĂȘme temps que nous avons le dĂ©sir du dĂ©passement, le dĂ©sir de lâautre, de la nuit, de ce qui grands processus dâasservissement se jouent Ă partir de cette rĂ©flexion sur la peur individuelle et comment lâ exploiter. Dans les sociĂ©tĂ©s modernes, aujourdâhui, mais aussi dans les dĂ©cennies ou les siĂšcles prĂ©cĂ©dents. Cette peur premiĂšre est organisĂ©e dans toute sociĂ©tĂ© parce quâelle permet un pouvoir, la main mise sur les consciences, et elle a pour consĂ©quence quâon se protĂšge symboliquement par ce que jâai appelĂ© les dĂ©finitions, les catĂ©gorisations, tout ce qui immobilise, et par le souci de lâidentitĂ© stable, de lâidentification. On est aujourdâhui dans une nĂ©vrose extrĂȘme de lâidentitaire. Tout doit ĂȘtre associĂ© Ă une dĂ©finition, or "dĂ©finition" veut dire exactement "limitation" le mot vient du latin fines qui veut dire frontiĂšre. Si on vous dĂ©finit, on vous ferme, on vous finit, on met un contour autour de vous. Or, aujourdâhui, tout est fait pour que nous nous contentions de nos contours, nous et tout objet, toute chose. On peut trĂšs facilement dĂ©finir une chose sur la premiĂšre vue, sur la premiĂšre conscience nâexplore que dans le temps et lâattentionDe plus, nous vivons Ă une Ă©poque oĂč le temps a disparu, nous sommes gouvernĂ©s par lâaccĂ©lĂ©ration majeure du temps â avec lâInternet, le TGV, par exemple. Or, pour aller au-delĂ de la surface et de la dĂ©finition rapide de chaque chose et de chaque ĂȘtre, de la dĂ©finition immĂ©diate, consensuelle, conventionnelle, conforme - le thĂ©orĂšme des trois "con" -, il faut obligatoirement du temps. Mais le monde de la marchandisation, le monde capitaliste, fondĂ© sur le principe dâĂ©conomie, a depuis le XIXe siĂšcle thĂ©orisĂ© cette abolition du temps, ce vol du temps. Le temps est la condition indispensable Ă "la traversĂ©e au-delĂ de lâapparence", câest-Ă -dire lâouverture scrutative de la conscience. Car il nây a de conscience qui explore, qui interroge, qui ne se contente pas de la premiĂšre rĂ©ponse donnĂ©e par le faciĂšs et qui dĂ©veloppe sa question que dans le temps, que dans ce quâon appelle trĂšs profondĂ©ment lâattention. Or cette qualitĂ© humaine premiĂšre, qui fonde lâhumain et dont tout le monde a le partage, est aujourdâhui la plus ravagĂ©e lâ attention radicale qui engage tout lâĂȘtre, qui est sans concession, câest celle de Van Gogh devant le paysage, de Giacometti devant sa matiĂšre, de toute personne qui prend le temps de lâarrĂȘt et de lâimmobilisation de soi, qui rompt la course Ă©ternelle du geste quotidien, de ce continuum, pour y créér une brĂšche. Et cette brĂšche, câest un appel Ă aller Ă la profondeur, qui suppose un effort, pour que se mobilise Ă lâextrĂȘme la combat majeur le langageTout ce que lâon peut dĂ©crire des instruments dâoppression individuelle et collective se joue essentiellement dans le langage. Il y a lĂ un combat politique majeur. Or les premiers a avoir eu la conscience de lâoppression possible dans le langage, ce sont les poĂštes. La premiĂšre raison de la poĂ©sie, câest de se rebeller devant lâextrĂȘme danger du langage Ă enfermer, Ă asservir, Ă subordonner, Ă se faire lâinstrument de la rĂ©duction du monde, du connu, du vĂ©cu Ă sa surface Ă©mergĂ©e, ce qui donne un totalitarisme la poĂ©sie permet de comprendre cela. Georges Bataille disait Nous nâaurions plus rien dâhumain, si le langage en nous devenait tout Ă fait servile ». Odysseus Elytis, magnifique poĂšte grec, prix Nobel de littĂ©rature, postĂ©rieur Ă Yannis Ritsos, le formule autrement LĂ oĂč la montagne dĂ©passe du mot qui la dĂ©signe se trouve un poĂšte. » LĂ oĂč le monde dĂ©passe les mots qui le dĂ©signent se trouve la poĂ©sie. La poĂ©sie sert Ă nommer, Ă rĂ©vĂ©ler, Ă faire agir, Ă rendre prĂ©sent Ă la conscience, Ă faire apparaitre le monde dans tout ce que le langage ordinaire, normĂ© langage, Ă sa naissance, porte, comme tout ce qui est humain, deux choses en mĂȘme temps, son affirmation et son contraire. Imaginons lâhomme qui fonde le langage, cet acte gĂ©nial fondateur delâHumanitĂ©. Pour simplifier, il y a au dĂ©part articulation de quelques sons arbitraires, qui vont ĂȘtre isolĂ©s et attachĂ©s Ă lâobjet, Ă une chose un murmure, un borborygme qui va ĂȘtre reconnu, identifiĂ© Ă la pierre, au rocher, au bĂąton. Pourquoi cela fonde lâhumain ? Parce quâest inventĂ© plus que le mot la symbolisation. Ce que je dis nâest pas lâobjet, mais le reprĂ©sente. Câest de cela que se dĂ©duit ce qui nous fait tous, la mĂ©moire. Ce nâest que parce que je peux nommer lâabsent que la mĂ©moire apparait. Et ce nâest que parce que je peux dire lâabsent, que je peux dire le passĂ©, le futur. Avant cela, on est "le nez dans la terre", dans une relation animale, rude, sans distance, sans recul, donc sans espoir dâanalyse et de comprĂ©hension au-delĂ de la vue et de la sensation premiĂšres. En inventant la symbolisation, lâhomme invente la mĂ©moire, lâhumain, lâhistoire, le passĂ© et lâavenir. Et en inventant lâavenir, il invente le projet, une pensĂ©e qui se dĂ©place vers lâavant. Mais avec ce langage, il invente aussi la possibilitĂ© de la prĂ©servation de lâespĂšce, parce que cela lui permet lâĂ©change individuel et collectif, de sâentendre, de parler ensemble, et donc une entente commune sur le langage premier nĂ©cessaire... et rĂ©ducteurMais pour que ce langage soit efficace, il est une condition absolue, nĂ©cessaire... et catastrophique. Câest quâil soit univoque, quâil nây ait pas de malentendu. Le principe de ce langage premier, fondateur du collectif, est dâĂȘtre rĂ©ducteur je parle, je suis compris. Cela permet aujourdâhui encore Ă chacun dâentre nous dâagir, de prendre le train, de dire "ferme la fenĂȘtre, la porte", etc., câest-Ă -dire lâexacte nĂ©cessitĂ© quotidienne quâon appelle le pragmatisme, lâorganisation de notre champ de vie le principe de cette langue commune, rĂ©duite Ă des sens limitĂ©s, est aussi dĂ©lĂ©tĂšre, mortifĂšre. Parce que le mot qui est un concept, une reprĂ©sentation abstraite dâune chose concrĂšte, du vĂ©cu tangible, ce mot perd la profondeur de lâexpĂ©rience, lâĂ©paisseur de la vie, la saveur, le parfum, le touchĂ©, la mĂ©moire, lâaffect, tout ce quâil a traversĂ©, tout ce quâil porte en lui dâhistoire humaine. Si je dis le mot "arbre", nous nous comprenons, mais le mot arbre perd tout ce que nous avons vĂ©cu, chacun, des arbres ; car chacun dâentre nous est riche de milliers dâarbres, ceux que nous avons vus, des cabanes construites, de la branche sur laquelle nous nous sommes appuyĂ©s, lâarbre taillĂ©, le tronc sur lequel on pose son Ă©paule. Cette infinie expĂ©rience de lâarbre est lâĂ©paisseur du rĂ©el, sa profondeur, elle dĂ©borde du mot Ă chaque instant, lâhomme fait de toute chose une infinie rĂ©alitĂ©, une rĂ©alitĂ© indĂ©finie, illimitĂ©e. Autant on a besoin des mots, autant les mots perdent lâinfinie profondeur de la rĂ©alitĂ© ce que nous vivons, ce que nous pensons, ce que nous ont lĂ©guĂ© nos parents, nos grands-parents, ce que lâenfant nous a rĂ©vĂ©lĂ©, ce sont les sens agis par lâhomme, ceux de notre vie, de notre libertĂ© de faire de chaque chose le contraire de ce quâelle est ou lâindĂ©fini, lâimprĂ©vu de ce quâelle est. Et ça, câest la poĂ©sie. Câest la poĂ©sie qui dit la part de lâarbre manquante, la rĂ©alitĂ© manquante, la part manquante de la langue. Câest pour cela que depuis toujours, depuis lâaube des temps, sâest levĂ© un poĂšte. Le langage a Ă©tĂ© constituĂ©, organisĂ© et il a organisĂ© le rĂ©el comme on le vit aujourdâhui encore dans la nĂ©cessitĂ© immĂ©diate, univoque â qui est aussi nĂ©cessaire. Mais cela "vole le rĂ©el". Ce sentiment profond dâĂȘtre frustrĂ© de la vĂ©ritĂ© du rĂ©el, nous lâĂ©prouvons tous les jours, nous le verbalisons, dĂšs lâenfance. Ainsi, sollicitĂ©s pour formuler notre Ă©tat dâĂąme, notre pensĂ©e, nous sommes souvent dans lâimpossibilitĂ© de le faire, "nous nâavons pas les mots pour le dire". Parce que le langage ordinaire nâa comme destination et possibilitĂ© que de dire "le sens minimum intergĂ©nĂ©rationnel garanti".Bien sĂ»r le langage premier univoque doit ĂȘtre transmis parce quâil permet lâintĂ©gration sociale, mais il faudrait que dĂšs le berceau, dĂšs lâenfance, lâantidote soit aussi donnĂ©, le langage impossible qui, au lieu dâĂȘtre monosĂ©mique - un mot un sens-, est un langage inverse, qui tient parole, qui parle, qui ne se contente pas de lâĂ©noncĂ©, qui porte en lui la chair et le sang de lâhumain câest la diffĂ©rence entre lâĂ©noncĂ© et la poĂ©sie, dĂ©flagration du langage, nous sauve de la normeUn langage investi de toute une expĂ©rience de vie, et pas seulement de la sienne, subjectivement, de celle de toutes les rencontres, et y compris dâexpĂ©riences contradictoires Ă la sienne, câest un langage neuf. Câest celui que le poĂšte invente par des actes iconoclastes, asociaux, libertaires il va consciemment, volontairement toucher aux normes du langage, dans toutes ses composantes Dâabord le poĂšte rompt le rythme qui fonde le langage premier, il rompt le code du signal, cette carte des correspondances mot-sens, qui est un asservissement, une subordination du mot au sens prĂ©vu, organisĂ©, lĂ©gitimĂ©. Mais qui lĂ©gitime le sens dâun mot ? Si lâon peut Ă la rigueur pour un objet, une chose Ă©tablir une correspondance, qui, pour une rĂ©alitĂ© de lâordre de lâhumain, par exemple ce qui relĂšve du sentiment, de la pensĂ©e, qui dĂ©cide du sens ? Il faut penser la constitution idĂ©ologique du lexique. Le poĂšte touche au lexique, Ă la syntaxe, Ă la composante sonore câest une dĂ©flagration du langage. Le poĂšte choisit une anormalitĂ© consciente. Pourquoi ? Parce que cela nous sauve de la norme, parce que toute normalisation est oppressive, rĂ©duit le rĂ©el Ă la catĂ©gorie, Ă la dĂ©duction, Ă lâinjonction, Ă la dĂ©finition, Ă lâ poĂšte, en crĂ©ant une langue qui nâest plus monosĂ©mique mais devient polysĂ©mique, invente un objet bizarre, un langage qui nâa pas de comprĂ©hension immĂ©diate. Ce qui nous embĂȘte bien aujourdâhui, gouvernĂ©s que nous sommes par Wall Street et autres, parce que cela veut dire du temps, une latence entre la chose prononcĂ©e et la chose comprise. Le langage ordinaire, celui du discours politique, du Journal de 20h, est compris trĂšs vite, immĂ©diatement, et on doit comprendre trĂšs vite sinon on est "dĂ©valorisĂ©" dans ses capacitĂ©s intellectuelles. Le poĂšme, lui, rĂ©clame de ne pas ĂȘtre compris, de ne jamais ĂȘtre complĂštement compris. Le propre de la poĂ©sie, câest de dire aussi ce qui nâest pas limitĂ© dans la comprĂ©hension, dans la saisie quâon en a. Câest justement lĂ que la parole est lâexacte vĂ©ritĂ©, parce que rien de ce qui fonde notre existence nâest dĂ©finissable, rien nâest dĂ©finitivement compris. Parce que si câĂ©tait le cas, nous nâaurions plus dâavenir. Et câest bien ce que lâon veut nous faire croire aujourdâhui, câest ce que le langage dominant veut nous faire croire, nous enjoint de croire. Le langage dominant est un implant permanent, qui diffuse Ă tout instant, tous les jours, par tous les moyens, comme jamais dans lâhistoire de lâHumanitĂ©, ce quâil faut comprendre du rĂ©el, ce qui est nĂ©cessaire dâen comprendre, codifiĂ©, lĂ©gitimĂ© nous nâavons Ă comprendre que parole libre libĂšre les reprĂ©sentations du mondeDepuis toujours, dans toutes les communautĂ©s humaines, il y a des gens qui ont inventĂ© un langage impossible, atypique, qui Ă©chappe Ă toutes les injonctions pour dire le rĂ©el, parce quâil a cette volontĂ© dâĂ©quivoque du sens, il conditionne une parole libre devant le rĂ©el. En poĂ©sie, on peut tout dire, je peux dire la neige est rouge et chaude, alors quâon apprend tous quâelle blanche et froide. Mais la rĂ©alitĂ© de la neige, câest quâelle est de toutes les couleurs du monde, câest la rĂ©alitĂ© de la poĂšte est le garant tout au long de lâhistoire humaine dâune libertĂ© insolvable, irrĂ©ductible dans la langue... peu importe le lĂ©gislateur de la langue, les grammairiens qui existent depuis longtemps. Je me permets de faire ce que je veux avec les mots, avec les rythmes. Et cette libĂ©ration de la langue a des consĂ©quences cruciales. Car sans les poĂštes, la pente fatale de la normalisation, la rĂšgle des trois cons - conventionnel, consensuel, conforme - aurait dominĂ© sans conteste. Je rappelle la phrase de Georges Bataille Ă©noncĂ©e au dĂ©but Nous nâaurions plus rien dâhumain si le langage en nous devenait tout Ă fait servile ». Or, aujourdâhui, le langage est servile et, asservis Ă un langage servile, nous perdons ipso facto notre humanité⊠car ce qui fonde lâhumain, câest la capacitĂ© Ă subvertir le langage, Ă le libĂ©rer, parce que libĂ©rant le langage, il libĂšre les reprĂ©sentations du a toujours existĂ© Ă cĂŽtĂ© du langage normatif, imposĂ©, plusieurs langages, de mĂ©tiers, dâargot des rues, des langages de rĂ©bellion intuitive, implicite, populaire le principe de la poĂ©sie est dans le peuple. Câest ce quâaffirme le livre magnifique dâEluard, PoĂ©sie involontaire et poĂ©sie intentionnelle, Ă©crit pendant la guerre, ce qui fait sens. Dans toutes les grandes dictatures, dĂšs lâAntiquitĂ© jusquâĂ aujourdâhui, quand il y a un rĂ©gime oppressif, ce sont les poĂštes quâon met dâabord en prison ou quâon assassine Pinochet au Chili avec Neruda et Victor Jara, Franco avec Lorca, ces hommes qui dĂ©gagent pour nous une autre comprĂ©hension du monde. Et sâil y a une autre reprĂ©sentation du monde, alors dâautres mondes sont que la poĂ©sie sauvera le monde » veut dire vivre dans une alerte permanente, dans une attention qui ne cesse jamais, ĂȘtre comme ces grands crĂ©ateurs qui ont la volontĂ© absolue de saisie de la vie, de toutes ses composantes, câest-Ă -dire sans repos, sans relĂąchement, sans jamais trahir la vĂ©ritĂ© contradictoire, dâune complexitĂ© illimitĂ©e de la vie. Ătre artiste jusquâau bout des ongles. Ceci vaut pour le danseur, lâhomme ou la femme de théùtre, le plasticien, etc., une sorte dâengagement trĂšs profond qui ne tiendra jamais le rĂ©el pour nous avons besoin non pas dâune petite clause de conscience, nous avons besoin de lâart, le moins rĂ©cupĂ©rable, le plus radical et qui touche Ă lâinstrument dâasservissement le plus violent et le plus partagĂ© de la langue, au coeur de notre pensĂ©e. Si on ne pense pas le monde avec les caractĂ©ristiques culturelles intransigeantes Ă©voquĂ©es, celles qui incarnent la poĂ©sie du jour, la rebellion devant lâunivocitĂ© du sens, la volontĂ© illimitĂ©e de rĂ©cuser lâidentitĂ© en tout, lâidentitĂ© fermĂ©e, si nous ne prenons pas cela comme point dâappui pour penser une sociĂ©tĂ© viable, toutes les autres fatalitĂ©s Ă©conomiques, idĂ©ologiques, sociales, religieuses, vont nous ramener Ă des seul point dâappui universel, câest la poĂ©sie â câest pour cela que cela nous intĂ©resse parce quâelle nous rend co-humain â point dâappui irrĂ©ductible de la libertĂ© humaine. Et câest en mĂȘme temps une exigence. Le grand schĂ©ma dominant, câest lâimmobilisation de tout, des comportements dans des modĂšles, dans des prĂȘts Ă porter, des prĂȘts Ă penser rĂ©ducteurs. Nous sommes dans un monde identitaire qui veut fixer la vie, qui la tue. Or il nây a de vie que dans le mouvement et il nây a de pensĂ©e et de pensĂ©e de la vie que dans le et synthĂšse MichĂšle KiintzLa vidĂ©o et lâenregistrement sont disponibles ici. Url de Cerises n°312 , 27 janvier 2017Chaque matin simplement reparlons-nous du bonheur comme chaque matin on remet ses chaussures Câest par ces mots que Jean-Pierre SimĂ©on, fondateur du Printemps des PoĂštes, Ă©diteur de poĂ©sie et poĂšte lui-mĂȘme a dĂ©cidĂ© dâouvrir son recueil Politique de la BeautĂ©, paru en 2016. Nous avons voulu rencontrer lâhomme qui est Ă©galement lâauteur, dans un proche registre, de La PoĂ©sie sauvera le Monde ou de Lettre Ă la Femme aimĂ©e au sujet de la Mort pour savoir si la beautĂ© peut vĂ©ritablement ĂȘtre une politique, et ce que ça voudrait dire. Nous pensions deviser esthĂ©tique, lui parlait libertĂ©. Nous croyons que cet entretien, rĂ©alisĂ© avant la pandĂ©mie de ghrume, redonnera Ă dâautres le courage voire, si nĂ©cessaire, lâenvie de vivre, comme il le fit pour nous. La poĂ©sie pourrait-elle nous rappeler ce que vivre signifie ? Ăcoutons. Jean-Pierre SimĂ©on © Le Printemps des PoĂštes La beautĂ© que lâon croit PostAp Mag. Les temps sont un peu compliquĂ©s⊠Est-ce vraiment le moment de lire de la poĂ©sie ou mĂȘme, dâailleurs, de sây consacrer ?Jean-Pierre SimĂ©on. Je suis prĂ©cisĂ©ment convaincu que la poĂ©sie est nĂ©cessaire, utile, voire urgente, dans le contexte dâun monde chahutĂ©, tourmenté⊠OĂč tout va mal, quoi. Parce que la poĂ©sie incarne, manifeste mais permet aussi de partager, de prendre conscience de ce que lâon appelle gĂ©nĂ©ralement la beautĂ© ». Câest un terme attrape-tout, je le sais bien. Câest pour cela que jâessaie de dire, dans ce livre, ce que jâentends, moi, par beautĂ© ». La beautĂ© ce nâest pas, Ă mon sens, la belle forme, lâharmonie, toutes ces reprĂ©sentations hĂ©ritĂ©es de la tradition, que jâestime enfermantes. Pour moi, la beautĂ©, donc ce que la poĂ©sie exprime, câest quelque chose qui est de lâordre de lâĂ©nergie. De lâordre de se tenir debout, de se dresser, dans une sorte dâappĂ©tit du monde et de la rĂ©alitĂ©. Ce mot recouvrirait donc un certain nombre de qualitĂ©s humaines, notamment dâordre Ă©thique câest lâĂ©nergie, câest le courage. Câest la luciditĂ©, qui est un courage aussi. Câest le mouvement vers. Câest tout le contraire de lâarrĂȘt, du dĂ©couragement, du ressassement, de la dĂ©ception, de lâenfermement dans lâabandon de tout. Jâappelle beautĂ© » tout ce qui est mouvement vers, en fait. Et câest ce mouvement qui fonde, pour moi, lâhumain. PAM. La beautĂ© est en nous ? Car on a souvent lâidĂ©e dâune beautĂ© immanente, lointaine que les artistes, insuffisamment, piteusement, tenteraient de reconstruire⊠S. Oui, elle est en nous ! Câest une question immense, bien entendu, et je voudrais dâentrĂ©e prĂ©ciser que je ne la pose pas en tant que philosophe, mais bien en tant que poĂšte je raisonne au plus prĂšs de ma propre sensation des choses, et rien dâautre. Câest la limite de ma parole, sa subjectivitĂ©, que jâassume, car câest le fait du poĂšte. Pour moi, la beautĂ© se conquiert, se construit. Le mot beautĂ© » nâa de sens que dans une dialectique de combat, dâune lutte quotidienne, individuelle et collective le combat contre la laideur. Et je nomme laideur tout ce qui est forces antagonistes de lâhumain », autrement dit tout ce qui est lâalliĂ© de la mort. Toutes les violences faites Ă lâhumain par lâhumain et toutes les violences faites Ă lâhomme en lâhomme, Ă la femme en la femme, malgrĂ© lui, malgrĂ© elle. Tous les dĂ©mentis de la vie. Toutes les agressions faites Ă la vie, dans la vie mĂȘme. Parce que, au fond, notre vie est un combat perpĂ©tuel contre le gouffre et lâabĂźme. PAM. Euh⊠S. Je pense que tout commence par la catastrophe. Je lâai dit souvent, je lâai Ă©crit. La catastrophe de notre mort, pour commencer. DĂšs que lâon a un peu de conscience⊠BĂ©bĂ©s, trĂšs tĂŽt nous vient la conscience de la solitude. LĂ encore, je ne parle pas en psychanalyste. Je dis ce quâil me semble. DĂšs quâil quitte les bras de ses parents, un bĂ©bĂ© apprend la solitude. La solitude de lâenfant qui se trouve, soudain, posĂ© loin des bras, loin de la parole et des yeux, lui est terrible. Et cette solitude-lĂ , cette expĂ©rience de la sĂ©paration, de la perte, de la dĂ©possession, cette connaissance-lĂ , est physique, premiĂšre, initiale. Câest un aperçu de la mort et donc, on commence par la mort, dâune certaine façon. AussitĂŽt quâon nait. AussitĂŽt quâon nait, on prend le sentiment de la perte. De la dĂ©possession. De lâabandon. De la solitude. Il me semble que toute notre vie, Ă la suite, est faite de la conscience de ça, et de lâeffort pour dĂ©passer ça. Effort que la vie sans cesse dĂ©ment, puisquâelle propose sans cesse des gouffres, des gouffres, des nouveaux gouffres et encore des gouffres, qui nâarrĂȘtent pas de confirmer que oui, si si, on est bel et bien nĂ© dans lâabĂźme. Vitraux de la synagogue de lâhĂŽpital dâHadassah par Marc Chagall DĂ©tail. La vie Ă plusieurs PAM. Oui, enfin, quand on Ă©coute un peu ce dont se plaint tout le monde, câest plutĂŽt de payer trop dâimpĂŽts. Ou pas les impĂŽts quâil faudrait, Ă la S. Bien sĂ»r. Je vais rĂ©pondre plus directement mais dâabord, je prĂ©cise que je parlais Ă©videmment dâun point de vue purement psychologique, du destin de la vie de chacun. De nos proches, qui meurent les uns aprĂšs les autres, jusquâĂ ce que ce soit notre tour. On est mutilĂ© sans cesse comme ça. Et la beautĂ© dont je parle, ce construire-humain » donc, câest ce qui sâinscrit contre ces mutilations. Câest sans cesse rĂ©parer la mutilation, dâabord, et la dĂ©passer, ensuite. Car autant on est mutilĂ©, autant on est augmentĂ© en face. Chaque mort, chaque dĂ©possession, chaque perte, chaque oubli qui nous dĂ©possĂšde⊠à chaque fois on peut se reconstruire dans lâĂ©nergie inverse. Seulement, il faut le vouloir. Il faut pour cela un acte de dĂ©cision. Câest pourquoi, Ă sa maniĂšre, ce titre, Politique de la BeautĂ©, insiste en rĂ©alitĂ© sur le mot politique » câest une action concertĂ©e et rĂ©flĂ©chie. Mais Ă la faveur de votre question marrante, il y a quelque chose dont je tiens compte, câest que ce qui nous empĂȘche dâĂȘtre humains et de nous accomplir dans lâhumanitĂ©, câest tout le reste. Tout ce qui est du domaine du concret et du matĂ©riel, câest Ă dire de la relation sociale par exemple, la relation Ă lâautre, du moins telle quâelle est dĂ©finie par les fonctions, les rĂŽles, les revenus des uns et des autres, et ainsi de suite. LĂ oĂč sans cesse, on le voit bien, il y a des humiliations, des amputations, qui tiennent tout simplement Ă lâordinaire des mĂ©canismes sociaux. Et puis il y a aussi les grandes oppressions, symboliques, des sociĂ©tĂ©s religieuses, idĂ©ologiques et sociales. Oppressions et des mutilations, lĂ encore. Pour le dire autrement, ou le redire il y a plein de strates dâempĂȘchements et nous sommes sans arrĂȘt au combat. Si lâon veut ĂȘtre une conscience libre, qui se dresse, qui possiblement trouve un sens Ă sa vie, qui est en accord avec la vie, en accord exact avec la vie câest cela quâon appelle le bonheur, câest pour cela quâil ne saurait ĂȘtre quâĂ©phĂ©mĂšre et transitoire⊠Eh bien, tout ça, ça ne se donne pas. Ăa nâest pas donnĂ©, jamais. Ăa ne peut se trouver que dans la conquĂȘte et dans le combat. PAM. Le combat ? S. Le combat contre ce que jâappelle la laideur. Toutes les laideurs de lâexistence. Quâelles soient mĂ©taphysiques, ontologiques, aussi bien que⊠Disons, que toutes les merdes de lâexistence, quoi. Tout ce qui est violence et agressions contre nos dĂ©sirs, contre notre volontĂ© dâĂȘtre bien, libre et de vivre simplement.tOaEQX7.